Interview du graffiti-artiste WIRE (VMD Crew)

Pour ce nouvel entretien, j'ai la chance et l'honneur de vous présenter un pilier dans l'univers du graffiti avec plus de 25 années d'expérience dans ce domaine. Un artiste touche à tout qui excelle dans plusieurs domaines que ce soit la musique, la danse, la peinture, la sculpture, le dessin et surtout pour ce qui nous intéresse le graffiti, il m'a donné rendez-vous dans son atelier rencontre en toute simplicité avec l'artiste WIRE un des membres fondateur du crew VMD Vector MinDed.

Mur de l'atelier du graffiti-artiste WIRE

Breizh Atao, Loc Envel 2017 (Photo issue du livre Sketch Addict par Wire)

Qaalam : Présente toi, ton crew, ses origines, sa création ?

Wire : Je me présente Erwan alias Wire, je suis artiste peintre illustrateur et originaire de Bretagne. Quand je suis arrivé en région Parisienne à la fin des années 80 avec mon frère GOEN on a posé nos valises dans le 92 (Hauts-de-Seine) là je me suis pris une bonne gifle artistique en voyant les graffs sur la ligne Paris Saint-Lazare-La défense- Nanterre DKA, DUC, FBI, 90 DBC...tous ces crews là, qui m'ont fait kiffer. Plus tard je découvre les bibles du graffiti « Spraycan Art » et « Subway Art » et je plonge irrémédiablement dans cet univers.

Je dessinais déjà beaucoup à cette période, mais c'est la rencontre avec DIZE qui a marqué un réel tournant dans mon histoire. En 92/93 avec l’arrivée de SPAN et ACIER dans notre quartier on a monté notre premier crew EPN (Ecrase Pas les Nains) amoureux de cette culture artistique, le hip-hop a été une véritable explosion dans ma vie, j'ai fait mes premiers pas de Break, j'ai écrit mes premiers textes de rap avec SPAN, « VmdeluxX » dispo sur sur Bandcamp et sur Youtube on était vraiment à fond là dedans, je kiffais explorer toutes les disciplines de cette culture qui pour moi était vraiment riche.

On a développé cet esprit-là entre potes et la famille s’est agrandie avec AKIZE HOLD PAZE c'était vraiment un sentiment de partage, d'amitié et de passion finalement. Tout a évolué très vite, on a fait des connexions, on a rencontré d'autres artistes en province et à l'étranger, puis quelques années plus tard avec KAOR LARS et RILS Le VMD est né! Vibro Markers Deluxx qui à l'époque était Vidéo Marc Dorcel, un petit clin d’oeil à notre mentor du film X. Et depuis on ne s'est jamais arrêté, on est devenu accro et addict (Ndlr: aux graffiti).

L'artiste WIRE en pleine réflexion

QL : Depuis combien de temps peint-tu ? et comment t'est venue l'envie de graffer ?

WR : Mon grand-père était artiste peintre et mon père dessinait aussi, j'ai toujours eu des crayons dans les mains, j’ai plongé très tôt dans l’Univers de la bande dessinée, des « Comics » des « Rubriques à Brac »... et des « Cartoons » mon grand-père avait une belle collection! Je passais mon temps à recopier des persos et à m’inventer des Mondes !

Quand je suis arrivé en banlieue je me suis rendu compte que ce n'était pas un microcosme, il y en avait partout, dans toutes les capitales...du graffiti dans toutes les villes et des tags à tous les coins de rue!
J’ai tracé mes premiers traits à la coulée verte en 92/93 (Ndlr : Lieu situer près de la gare de Colombes) et depuis c'est une passion qui ne m'a jamais lâché.

Le Gobnuts (page blanche)

Peinture, aquarelle, sculpture, musique, l'artiste WIRE est un touche à tout

Let the music play, peinture acrylique sur toile.

QL : D'ou viens le blaze WIRE ?

WR : Je suis passé par pleins de blazes, au début je taguais SEXY! mes potes, et mes parents m'appellent WANER, du coup j'aimais bien ces lettres aussi, donc j'ai commencé à me les approprier mais quand ils voyaient mes tags sur les voies ferrées (Ndlr : la police ferroviaire) il fallait vite que je change de pseudo...
WIRE : parce que je suis électrique comme un fil et parce que j'aime bien sauter sans filet, l’improvisation tient une place essentielle dans mon travail. J’aime le côté dynamique et spontané comme un enfant, je trouve ça vraiment fascinant quand tu vois un gamin qui fait des gribouillages instinctifs. « Forever young »

C’est ça qui me plaît aussi, l’énergie et le mouvement, partir de quelque chose que tu ne connais pas et que tu ne maitrises pas, pour arriver à quelque chose de construit. J'adore cette dualité entre ces deux mondes, la maîtrise et l’incontrôlable. Comme dans la musique, j'aime ces instants magiques où tu te lâches vraiment quand ton cerveau divague en impro totale...à ce moment là je déambule sur le fil du rasoir. Wire ça vient un peu de là, j'ai toujours été nerveux et électrique (rire).

Virus Must Die au Canal de l'Ourcq - rue Delphine Seyrig

Vatos Locos, Villa Boa 2019 (Photo issue du livre Sketch Addict par Wire)

QL : Fais tu que du graff ou explore tu d'autres domaines artistique ?

WR : Bien évidemment, je ne fais pas que du graffiti, c'est un milieu que je kiff et que j'affectionne particulièrement, mais j'ai toujours dessiné, j'ai toujours essayé de toucher à différentes disciplines.
Je trouve ça enrichissant de pouvoir s'exprimer dans plusieurs domaines, ça peut être une manière de m'éparpiller, mais en même temps j'ai toujours fonctionné comme ça, je suis curieux de nature !

Peinture sur toile, Fire Works

J’ai fait plusieurs Ecoles d'Art ce qui m'a permis de découvrir des techniques variées, comme le travail de la Calligraphie avec différents outils, le Graphisme, la Typographie, le Modelage, la Sculpture, le travail de la terre, sur des toiles, sur du verre, du zinc ou d’autres supports. La musique c'est pareil c'est un autre mode d'expression que je kiff et tout aussi constructif! C’est mon exutoire et un réel moyen d’évasion. Donc j'essaye de relier tout ça et d’exprimer ce que je ressens.

Portrait de l'homme à tête de chou, à gauche l'album musical dont fait parti WIRE : les TroiZiks

Anonymous, peinture acrylique sur toile.

QL : Vis-tu de ton art ?

WR : j'essaye d'en survivre déjà, j’expose mon travail en galerie, en maison de vente, je participe à des événement sociaux culturels, j’essaie de mettre en place différents projets artistiques en partenariat avec les collectivités locales, mais dans tous les cas c'est mon Art qui me tient en vie et si j’peux faire manger ma famille avec ma passion tant mieux !

I Can See, La Seauve 2017 (Photo issue du livre Sketch Addict par Wire)

Galactic Thugs au Canal de l'Ourcq de Bobigny

QL : En matière artistique quels sont tes futurs projet ?

WR : Prochainement je présente une expo solo du 20 Octobre au 19 Novembre au « 75 Shop » un magasin de bombes à Paris avec un espace d’exposition. Le vernissage a lieu le 30 Octobre au 12 bd st Martin, je vous invite tous à venir.
Je participe à une Vente aux enchères chez Drouot pendant la FIAC fin septembre et d’autres expos sont à venir.
Plusieurs festivals arrivent aussi AOS et DKA dans lesquels je suis invité.

En parallèle Je viens de sortir le Volume 1 de mon livre « Sketch Addict » 150 pages qui retrace l'évolution de mon travail sur papier, dans lequel on y retrouve uniquement des sketchs en noir et blanc de 2016 à 2019 disponible d’ailleurs au « 75 shop » sur mon site wire978.com et dans quelques boutiques spécialisées, @wastedtalent.fr @youcanspray @allezgostore montpellier @lelavomatik @deathbrowink @montanashopmontpellier @streetcontrol de Nantes mais il ne va pas tarder à être en rupture de stock. Je travaille en ce moment sur le deuxième ouvrage qui est bien avancé car j’ai l’intention d’en faire une trilogie.

Musicalement, on essaie de bosser les répèts en studio avec mon groupe « Les Troiziks » pour pouvoir démarcher des dates de concerts et foutre le feu au dance floor! Nos 2 Albums sont dispos sur https://lestroiziks.bandcamp.com/album/les-troiziks-1 en téléchargement gratuit et nos vidéos visibles sur youtube.
https://www.youtube.com/playlist?list=PLViWbLo17jlC-RgWRHmtioOjBfOi4Z0ik

Avec le collectif LBD « Le Bon Deal » (SPAN-WIRE-MESH-GEMO-TITINEBOY-VICOR-HISEK-DEEKONE) nos morceaux sont dispos sur youtube https://youtu.be/BDOBxjpCWgQ

Mon 1er Album solo « Re-Naissance » est également dispo sur bandcamp Waner.
https://waner.bandcamp.com/album/re-naissance

Mon nouveau site est en ligne
Wire978.com conçu et réalisé par @flowmotionparis @flwmtn n’hésitez pas à y jeter un œil!

Sketch Addict Vol.1 par Wire

Déco pour l'école élémentaire Auguste Rodin Courbevoie 92

QL: Etant de l'ancienne école, que représente pour toi l'art du graffiti aujourd'hui ?

WR : Le graffiti à énormément évolué par le biais d'internet, des nouvelles technologies et des réseaux sociaux. Je suis un peu nostalgique de cette époque où l’on courait chez le libraire du coin pour aller choper le dernier « 1Tox », et de ces moments d’extase quand tu voyais ton tag dans un magazine!
Par la suite on a eu l’opportunité de paraître dans plusieurs magazines et dans la presse spécialisée (Radical, Rer, Graffbombz...) ce qui nous a permis d’immortaliser nos fresques et de faire voyager notre Art.

Aujourd'hui il y a énormément d’infos et de matière, tout semble facile et abordable. Tu peux te faire connaître en restant cacher derrière ton écran...mais il ne faut pas oublier d’aller au charbon sur le terrain!
En même temps c'est une plate forme énorme pour véhiculer ton travail, pour faire des connexions et pour partager ton Art...donc il y a un peu ce double jeu, on peut vite se perdre sur la toile, mais ça peut être une véritable source d’inspiration !

Le graffiti à toujours été là, je suis fier d'en être arrivé là aujourd'hui, je ne m'attendais pas à ce qu’ il évolue comme ça.
Ça fait des années que des artistes s'acharnent et continuent à prendre des risques pour faire vivre cet art et je serais toujours reconnaissant de ces gars-là, qui seront toujours plus actifs que moi, même si j’essais d’apporter ma pierre!
Les nouvelles générations ont pris le relais et le graffiti continue de se développer de manière exponentielle.

Je pense que c'est un art qui continuera toujours d’évoluer. Il a été décrié pendant des années mais aujourd’hui des acheteurs, des collectionneurs s’y intéressent, des musées, des galeristes investissent sur des artistes parce qu' ils sont côtés sur le marché de l’Art, alors qu’à l'époque on leur crachait dessus pour un simple tag!
Il y a cette ambivalence qui est intéressante et paradoxale. Aujourd'hui le graffiti continu de se propager partout comme un virus salvateur! « Make Art Not War »

Il faut vivre avec son temps et savoir utiliser les outils à bon escient: éviter de trop plonger dans les médias tout en restant sur le terrain, prendre du plaisir dans ce qu'on fait et surtout rester intègre avec ses propres idées et fidèle à ses convictions.

QL : Quel conseil donnerais-tu à quelqu'un qui veut se lancer dans le graffiti ?

WR : Si tu aimes vraiment ce que tu fais et si tu veux te lancer dans le graffiti, faut que t'apprennes à courir vite! c'est ça le conseil que je donnerai (rire). Respecter les valeurs, les règles et les codes, ne jamais lâcher l'affaire, ne jamais balancer tes potes, et surtout persévérer, transpirer, t'acharner, chercher, travailler ton style pour avoir ta propre identité graphique.
S’intéresser à son histoire à ses protagonistes pour avoir le respect de tes pairs. Ce n'est pas un phénomène de mode, c'est un mode de vie c'est ça le truc important.
La persévérance est la clef de la réussite!

Dangerous Mind, Colombes 2019 (Photo issue du livre Sketch Addict par Wire)

QL : Je te remercie pour cet entretien , j’aimerai savoir si tu avais un mot à dire ou quelque chose à ajouter pour conclure ?

WR : Belle rencontre improvisée dans mon premier terrain de jeu (Ndlr :la coulée verte) ça fait plaisir et c'est encore plus justifié! Merci à toi pour cette interview flash...c'est toujours cool de pouvoir partager mon travail et de t'avoir invité dans mon Labo.
Gros big up à toute mon équipe VMD, KSF, GT, CP5, 90 DBC, DKA, TNI, EPN et AWC Ma petite family et tous mes amis qui contribuent à faire évoluer le graffiti.
« Chez nous y’a de tout, des fou rires et des larmes...y’a tout c’qu’il faut dans un Monde ou l’Art est une Ame! »

Peace & Colorz
Art is the Way...Love is Key

Wire978